À partir du 1er janvier 2020, la Wallonie aura un nouveau bail à ferme !
Après de très nombreux mois de discussions, le Parlement wallon avait voté le 2 mai 2019 un décret modifiant de manière assez fondamentale le bail à ferme, matière qui n’avait pas évolué depuis de très nombreuses années. Les dernières révisions normatives dataient de 1969 et de 1988. Ce décret est maintenant publié au Moniteur belge, ainsi d’ailleurs qu’une série d’arrêtés d’exécution. (http://www.ejustice.just.fgov.be/mopdf/2019/1/08_1.pdf#Page46)
L’objectif sous-jacent à cette réforme et de trouver un compromis entre, d’une part, la volonté des propriétaires terriens d’avoir une meilleure transparence et un meilleur équilibre des relations contractuelles et, d’autre part, la nécessité des agriculteurs de pouvoir disposer de terres dans la durée car c’est leur véritable outil de travail. Le bail à ferme est une matière régionalisée depuis le 1er janvier 2015, et ce type de contrat concerne effectivement plus de 70% de la superficie agricole wallonne.
Il faut mettre en avant plusieurs réformes essentielles, même si on ne sera bien sûr pas exhaustif :
- Nécessité d’un contrat écrit et enregistré :
Cela sonne le glas de la présomption de bail à ferme dès que le propriétaire donnait en jouissance une terre à un fermier et qu’il y avait paiement. Le Gouvernement pourra arrêter un modèle, non obligatoire lui, de contrat, et à l’instar de ce qui est fait pour toutes les matières locatives ces dernières années. - Obligation d’établir un état des lieux d’entrée :
Il doit être détaillé, établi contradictoirement et à frais communs. Tant le contenu du document dont question que le modèle type pour l’entrée et la sortie locative font déjà l’objet d’un arrêté. - La sous-location ou la cession non autorisée par un écrit préalable est clairement sanctionnée puisque le bail peut être résolu à la demande du bailleur.
- La durée du bail a été revue : durée de principe de 9 années renouvelable 3 fois uniquement, soit 36 ans.
- Deux nouveaux types de contrat sont possibles :
o bail de courte durée (5 ans maximum), visant à couvrir des situations particulières (ex. attente d’une liquidation de succession, incapacité ou maladie grave du propriétaire exploitant). Ce contrat permet un congé sans motif moyennant un préavis de six mois avant l’échéance. Il ne peut être renouvelé qu’un seule fois, pour autant que la durée totale n’excède pas 5 ans.
o bail de fin de carrière, permettant de poursuivre de commun accord le contrat au-delà du 3ème renouvellement, pour une période déterminée équivalente à celle nécessaire pour que le preneur atteigne l'âge légal de la pension. - Incitants fiscaux à la conclusion de baux de longue durée (au moins 27 ans) pour favoriser l’accès de la terre aux jeunes agriculteurs. Les baux de carrière et les baux de longue durée donneront accès à des avantages fiscaux en matière de droit de succession et de donation.
- Notification obligatoire des échanges de parcelles.
- Fin du droit de préemption pour les agriculteurs atteints par l’âge de la pension s’ils bénéficient d’une pension et qu’ils ne peuvent indiquer de repreneur sérieux.
- Abolition des cessions privilégiées abusives :
Dorénavant les cessions privilégiées sont subordonnées à des conditions strictes dans le chef du cessionnaire, à l’instar de ce qui est exigé en cas de congé donné pour exploitation personnelle par le bailleur (certificat d'études ou diplôme à orientation agricole, ou qualité d’exploitant agricole, etc.). - En ce qui concerne le congé donné par le bailleur, ce dernier ne devra plus faire valider son congé devant le Juge de Paix. Ce sera au preneur d’agir dans les 3 mois devant le juge s’il conteste le motif.
Le Moniteur belge du 08 novembre 2019 publie aussi plusieurs arrêtés d’exécution, tous datés du 20 juin 2019 et réglant les questions suivantes :
- le contenu minimal de l'état des lieux en matière de bail à ferme et les clauses prévues à l'article 24 de la loi ;
- les modalités de mise sous bail à ferme des biens ruraux appartenant à des propriétaires publics ;
- les modalités de fixation des superficies minimales et maximales de rentabilité ;
- la liste des données complémentaires à notifier par les officiers instrumentant et les modalités de notification à l'observatoire du foncier agricole ;
- la définition des qualifications à orientation agricole ;
- le modèle-type d'état des lieux ;
- le modèle type de cahier des charges.
Gilles Oliviers,
Avocat associé RENSONLEX