Interdiction des plaidoiries jusqu’au 03 juin 2020. Tous les avocats belges sont aphones !

Interdiction des plaidoiries jusqu’au 03 juin 2020. Tous les avocats belges sont aphones !

Dans le cadre de la pandémie actuelle, le Gouvernement a pris plusieurs mesures concernant la justice.  On en a déjà parlé et on en reparlera encore ; mais il semble nécessaire de se questionner sur le sort des litiges en cours.

En effet, on sait que les audiences de plaidoiries sont généralement fixées des mois ou même parfois des années à l’avance.  On sait qu’en cas de report, il est exceptionnel que la remise soit à bref délai.  Que fallait-il donc faire des affaires déjà fixées pour plaidoiries ?

Depuis l’arrivée du coronavirus qui a tué des personnes, assommé notre économie et mis en quasi léthargie notre justice, les magistrats et avocats avaient tenté de trouver des solutions : soit les causes étaient renvoyées au rôle (remise sans date fixe), soit elles étaient remises à une date ultérieure, soit encore elles étaient prises en délibéré par le juge sur base des conclusions échangées sans plaidoiries.  Cette dernière possibilité ne pouvait néanmoins pas être imposée par le Tribunal, il fallait que toutes les parties à la procédure choisissent la procédure écrite.  Certains ne le voulaient pas tant il est vrai que les plaidoiries peuvent apporter parfois un éclairage particulier au litige. De même, les plaidoiries permettant de répondre directement aux questions des magistrats, on évite des jugements de réouverture des débats visant uniquement à répondre aux interrogations complémentaires du magistrat.

En conclusion, depuis la pandémie, on ne plaidait quasi plus et, sauf procédures particulières, seules les causes urgentes menaient à des débats en audience.

 

Le Gouvernement vient d’aller plus loin, en adoptant dans le cadre de ses pouvoirs spéciaux l’Arrêté Royal (AR) n°2 concernant la prorogation des délais de prescriptions et les autres délais pour ester en justice ainsi que la prorogation des délais de procédure et la procédure écrite devant les cours et tribunaux.  Il a été publié ce 09 avril 2020 au Moniteur belge.

(On y renverra les juristes pour la mise en place pratique dont notamment les délais pour le dépôts des dossiers de pièces : http://www.ejustice.just.fgov.be/mopdf/2020/04/09_2.pdf )

En effet, l’article 2 de cet AR prévoit que :

« Art. 2. Toutes les causes devant les cours et tribunaux, à l’exception des causes pénales, à moins qu’elles ne concernent uniquement des intérêts civils, qui sont fixées pour être entendues à une audience qui a lieu à partir du deuxième jour après la publication du présent arrêté jusqu’au 3 juin 2020 inclus, date de fin susceptible d’être adaptée par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres, et dans lesquelles toutes les parties ont remis des conclusions, sont de plein droit prises en délibéré sur la base des conclusions et pièces communiquées, sans plaidoiries. »

La procédure écrite va donc s’imposer aux parties et à leurs avocats.  On a coupé la voix des avocats. On n’entendra plus : « Maître X, à vous la parole pour votre client ».

Il existe bien sûr quelques exceptions reprises dans l’AR.  Citons primo le fait que ceci ne s’applique que pour les litiges dans lesquels les parties ont déposé des conclusions et donc cela ne sera pas applicable, par exemple, pour les défauts ou les affaires nouvellement introduites et qui devraient être traitées immédiatement (art. 735 Code judiciaire) puisque, par essence, il n’y aura pas de conclusions encore déposées.  Secundo, si toutes les parties s’opposent à la procédure écrite ; alors l’affaire sera remise. Tertio, si une seule des parties s’y oppose en motivant son refus, le juge tranchera sans recours possible soit en imposant la procédure écrite, soit en procédant à une remise, soit encore en proposant la vidéoconférence.

 

Au-delà du plaisir de plaider, au-delà de l’intérêt pour les justiciables d’avoir un avocat qui puisse expliquer verbalement leur dossier, le Gouvernement a fait passer en premier l’intérêt de lutter contre la pandémie et ce au profit du plus grand nombre.

On ne critiquera pas ce choix en son principe car il est essentiel d’épargner des vies ; mais on peut quand même s’interroger sur les autres possibilités qui auraient pu être mises en place et qui ne l’ont sans doute pas été en raison de l’impécuniosité de notre justice qui est un enfant mal-aimé des budgets depuis de longues années.

En effet, on aurait parfaitement pu prévoir provisoirement et systématiquement des débats virtuels.  Rien n’empêchait de prévoir que les plaidoiries aient lieu – chacun chez soi et tous ensemble sur une plateforme virtuelle-.  Ce ne sont pas les logiciels en tout genre qui manquent à cet égard.   S’il y a moyen de se réunir pour un Webinaire ou même E-cocktail virtuel avec ses amis, qu’est-ce qui empêchait que les plaidoiries soient actuellement toutes virtualisées.  Rien sans doute, si ce n’est qu’il eut fallu donner aux magistrats les moyens de ce faire…

On signalera d’ailleurs que certains juges de paix avaient, depuis le confinement, mis cette ‘video-plaidoirie’ en place eux-mêmes dans la procédure liée à la protection des malades mentaux (loi du 26 juin 1990) permettant les débats sans devoir pénétrer dans les hôpitaux psychiatriques.

 

On se contentera donc de ce qu’on nous donne, la procédure écrite.  C’est sans doute mieux que la mise en coma artificiel de la justice au détriment des justiciables ; mais on ne nous empêchera pas de penser qu’à nouveau on a raté le coche d’un bond en avant technologique pour notre justice.

 

Espérons aussi que le Ministre de la Justice, actuel ou à venir, ne tentera pas de profiter des circonstances pour rendre les avocats aphones ad vitam et eternam.  En effet, il y a un réel intérêt aux plaidoiries, ce que les magistrats ne manqueront pas de reconnaître d’ailleurs.  Il ne s’agit nullement d’une perte de temps.

Dans l’intervalle, choisissez encore mieux votre avocat que d’habitude.  Il faudra que s’ajoute à son talent d’orateur des qualités d’écriture.  La plume de votre conseil devra être précise, complète et agréable à lire !

 

En cette période de confinement, conformément aux instructions de l’Ordre des avocats et du Gouvernement, notre association d’avocats travaille à bureau fermé. Cependant, vos avocats continuent à travailler pour défendre vos intérêts. Tous nos avocats restent joignables par courrier, fax ou email.  Une permanence téléphonique est aussi assurée au cabinet tous les jours, sauf le mercredi de 10h à 12h.

Nous pouvons organiser un rendez-vous téléphonique ou vidéophonique même à plusieurs intervenants.  Sur invitation, nous sommes joignables sur Teams ou encore sur Zoom avec notre adresse électronique professionnelle. (Si cela est nécessaire on peut aussi activer d’autres réseaux moins sécurisés, tels Skype, Google Meet, Facetime ou Whatsapp).

Protégez-vous et protégez les autres en restant chez vous.  Nous continuons à protéger vos intérêts !

 

Gilles OLIVIERS

Avocat associé

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